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Favoriser l’accès nature en milieu de soin

Cet article a été originellement écrit pour Québec Vert, magazine des professionnels et entreprises de l’industrie de l’horticulture ornementale et des espaces verts au Québec.

En milieu de soin, la nature peut apporter des effets thérapeutiques. Il est important de créer des espaces verts inclusifs et accessibles pour les patient-e-s. En effet, L’Organisation mondiale de la Santé le décrète depuis des années; les espaces verts urbains sont des infrastructures fondamentales à la promotion et au maintien de la santé physique, mentale et sociale des citoyens. En effet, tel qu’on peut l’observer dans leur rapport Urban Green Spaces: a review of evidence, les effets positifs des espaces verts sur les populations urbaines sont saisissants: réduction de la mortalité, amélioration de la santé mentale et des fonctions cognitives, réduction de morbidité cardiovasculaire, réduction de la prévalence du diabète de type 2, amélioration des résultats de grossesses, accroissement de l’activité physique, réduction du stress, de l’anxiété et des symptômes dépressifs, création d’un sentiment de bien-être, augmentation de la cohésion sociale et accroissement de plus saines habitudes alimentaires (2).

On observe donc aujourd’hui les espaces verts comme un organe fondamental pour la santé citoyenne et la résilience de nos écosystèmes urbains: « Les espaces verts urbains sont une composante essentielle afin de mettre en place des villes durables et propices à la vie et à la santé. Ces infrastructures ont la capacité de rendre des bénéfices sur le plan sanitaire, social et environnemental pour tous les groupes de population, particulièrement envers les groupes situés en contexte socio-économique moins favorable. Il y a très peu, voire aucun autre type d’intervention pour la santé publique qui peut avoir un impact aussi vaste » [traduction libre] (3).

Par ce lien démontré qui unit les espaces verts urbains à notre santé, il semblerait tout indiqué d’en favoriser leur accessibilité en milieux de soins. Pour François Reeves, cardiologue et auteur reconnu en santé environnementale, ceci s’impose comme une pratique nécessaire. À son avis, les établissements de santé constituent un endroit idéal où opérer une forte végétalisation urbaine: « Les centres de santé sont des acteurs importants de nos milieux, non seulement pour les soins que l’on y donne, mais aussi comme exemple de bons citoyens corporatifs ». C’est sous ce même raisonnement que l’on observe aujourd’hui un intérêt grandissant et international de la part du milieu médical quant à un type d’aménagement singulier et enrichissant: les jardins thérapeutiques.

Et si l’on recommençait à percevoir les lieux extérieurs des établissements de santé comme un lieu important pour le rétablissement? Et si le rapport au monde naturel devenait une partie essentielle de l’architecture de nos milieux de soins? On observe enfin un éveil du monde médical par rapport à ces questions, une volonté de mettre à jour nos établissements trop souvent caractérisés par des déserts de béton et d’asphalte, dénudés de biodiversité et d’accès à des milieux naturels de proximité.

Dans le but de mieux comprendre par quels moyens de tels effets se concrétisent, un vaste corps de recherche de plusieurs décennies a permis de cibler de nombreux mécanismes qui mènent à ces effets positifs. L’un de ceux-ci relève spécifiquement de notre rapport à la biodiversité, de notre rencontre sensorielle avec des stimulus riches et fascinants que l’on peut observer en nature. Les couleurs douces et vibrantes de fleurs, le gazouillement d’oiseaux qui volent à proximité, le soleil qui réchauffe notre visage en hiver, une douce brise qui nous garde au frais l’été, la variété sublime de formes et textures du royaume végétal, les fragrances de légumes fraîchement cueillis d’un jardin, la texture de la terre sur nos mains. Tous ces stimulus ne sont pas des plaisirs vains, ils sont réellement des éléments qui nous aident de manière significative dans un processus de rétablissement, en grande partie puisqu’ils captent notre attention d’une manière douce, nourrissent notre imaginaire par des distractions positives, et nous aident à nous détendre de manière efficace dans des moments de stress élevés (1)(2). La communauté scientifique internationale le reconnaît aujourd’hui: la richesse sensorielle que nous offre le monde naturel est merveilleuse, et cette richesse est à la base de nombreux soins qu’elle nous porte.

Pour reprendre les mots de Oliver Sacks, neurologue et auteur décoré de l’Ordre de l’Empire britannique pour ses services en médecine: «Je ne peux pas dire exactement comment la nature exerce ses effets calmants et organisateurs sur notre cerveau, mais j’ai constaté chez mes patients le pouvoir réparateur et curatif de la nature et des jardins, même pour ceux qui souffrent de handicaps neurologiques profonds. Dans de nombreux cas, les jardins et la nature sont plus puissants que tout médicament » [traduction libre] (6).

Nous en sommes ici. Si l’on souhaite bénéficier de tous les bienfaits reconnus, il faut adapter et optimiser nos établissements existants, un projet à la fois, mais dans une vision systémique. Il y a tant d’espaces à investir, et il faut saisir ces opportunités. Cette optimisation, il faut l’opérer avec la communauté qui y vit et qui y travaille, dans un processus commun de consultation et de cocréation. Non seulement ces acteurs du milieu sont ceux qui vivent quotidiennement le contexte en place, mais ce sont aussi ceux qui connaissent au mieux les contraintes des lieux ainsi que les opportunités d’améliorations adaptées.

 

Progressivement, il semblerait que nous nous dirigions vers un changement de paradigme, où la nature de proximité devient officiellement un allié dans la démarche médicale. À l’international, on peut penser par exemple au fait qu’aujourd’hui, la pratique médicale du Shinrin-Yoku (signifiant immersion en forêt) est courante en médecine préventive au Japon. Suite aux premières recherches entamées dans les années 80, le sujet gagne en importance, ayant motivé la désignation de plus de 48 sentiers spécifiques à cette pratique thérapeutique (7).

Ici, au Québec, on observe aussi de belles progressions. Par exemple, dans le cadre de son projet Ginkgo, Nature Québec accompagne 7 établissements de santé dans la mise en place d’infrastructures naturelles et de jardins thérapeutiques destinés aux soins de leurs communautés. Et cette progression s’insère manifestement dans une vision systémique. Depuis le 16 mai 2022, l’ordre professionnel des médecins du Québec reconnaît l’immersion en nature comme un outil médical officiel, pouvant désormais être prescrit. Le programme Prescri-Nature, supporté par des organisations regroupant plus de 45 000 professionnels de la santé au Québec (Roy, 2022), permettra entre autres aux médecins accédant au programme d’offrir une carte d’entrée gratuite dans les installations de Parcs Canada, sous forme d’une prescription. La nature est donc, depuis mai 2022, au Canada et au Québec, un allié médical authentifié. La signification profonde d’un acte aussi symbolique et concret ne peut être que l’indice d’un changement de paradigme. Maintenant, passons à l’action.

➡️ Découvrir le projet Ginkgo

Crédits

Révision: Lucie Bédet

Rédaction:

Samuel Charlebois

Chargé de projet en verdissement et design urbain

(1) – Kaplan, S. (1995). The restorative benefits of nature: Toward an integrative framework. Journal of environmental psychology, 15, 169-182.

(2) – OMS (2016). Urban green spaces and health. Copenhagen: WHO Regional Office for Europe.

(3) – OMS (2017). Urban green spaces interventions and health. Copenhagen: WHO Regional Office for Europe.

(4) – Reeves (2019). Verdir nos cités: le témoignage d’un cardiologue. Institut de Cardiologie de Montréal.

(5) – Roy, Guillaume (2022). Lancement d’un programme québécois de prescription de plein air. Le Quotidien. 

(6) – Sacks. O. (2019). The Healing Power of Gardens. The New York Times. 

(7) – Williams, F. (2018). The Nature Fix: Why Nature Makes Us Happier, Healthier, and More Creative. WW Norton.